Prologue pour carillon de clocher et percussion de Kathakali *
Les tambours du kathakali sont des instruments qu’on n’entend qu’en de rares occasions en Amérique du Nord. En août 1994, un public local à Montréal, assistait à un événement qui s’est tenu en plein air, à l’extérieur des studios des Espaces Galilée. L’événement comprenait, en première partie, un concert où les cinq cloches du carillon de l’église Notre-Dame de Grâce furent mises à contribution dans un prélude pour percussion de Kathakali et carillon de clocher. Suivant ce prologue d’une trentaine de minutes, donné à la tombée du jour dans le parc de l’église attenant au lieu de présentation, le spectateur était convié à une représentation de kathakali dans la chapelle attenante à l’église Notre-Dame de Grâce.
_______________ (*) Prologue pour carillon de clocher et percussion de Kathakali. Arrangement et composition de Bruno Paquet, avec la participation de Jean-François Pedneault, Shawn Mativetsky et Patrick Graham. Danse de /par Richard Tremblay, accompagné au chenda par Bruno Paquet.
Kathakali : Gitopadesham. Richard Tremblay (danse) et Bruno Paquet (percussion), 2012.
La danse Kathakali (de caractère sud asiatique) a été introduite au Canada dès 1976 par le chorégraphe Richard Tremblay en collaboration à partir des années 1980 avec le compositeur et percussionniste Bruno Paquet. La première a eu lieu au Saguenay en 1976, dans une présentation de Téâtram, suivie quelques années plus tard de présentations à Victoria, Vancouver, Saskatoon, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Montréal et Québec avec K. Karunakaran (1980) à Toronto et K. Gopalakrishnanen diffusion nationale (1981). Richard Tremblay a aussi dansé à Montréal avec la compagnie nationale indienne de Kathakali, le Kalamandalam de Kérala lors de la tournée en 1981 de cette prestigieuse compagnie en Amérique du Nord. Après une formation en percussion au Kérala, Bruno Paquet se joint à l’Institut de Kathakali (Montréal) où les productions de répertoire et de création font partie des réguliers de la danse au Québec et au Canada. Bruno Paquet et Richard Tremblay ont monté des pièces du répertoire Kathakali peu connues, comme le Gitopadesham, ainsi que des créations telles que Origines (Montréal, 1988 – 94-96), L’Iliade ou La colère d’Achille (Kérala, 1988 – 91-93) présentée à Singapore (2000) et Ulysse (Kérala, 1994). Avec la création de Danse Kalashas en 1990, le chorégraphe et le compositeur et percussionniste trouvent une inspiration dans leur pratique de la danse et de la musique du Kathakali et ont ainsi créé un répertoire de création contemporaine qui leur est propre.
Une initiative en vue d’implanter le Kathakali au Québec et au Canada avait été faite auparavant par Ananda Shivaraman, descendant d’une famille de gurus (gurukkula) du Kérala. Au début des années 50, le danseur a résidé pendant deux ans dans un petit appartement de la rue Sherbrooke, à Montréal et a contribué de plusieurs présentations fort appréciées du milieu de la danse de l’époque.
Dans les annales du Kathakali, L’Iliade ou L’Histoire d’Achille du chorégraphe Richard Tremblay a été créée par le Kalamandalam de Kérala au Regional Theatre de Thrissur (Inde) en janvier et février 1988. marquant la première contribution de cette nature au répertoire du Kathakali. Cette œuvre considérable a été reprise en 1991, 1994 et 2000 en Inde ainsi qu’à Singapour. L’Histoire d’Achille fait partie d’un groupe de travaux mis de l’avant par le chorégraphe, parmi lesquels figurent l’aventure d’Ulysse (tiré de L’Odyssée), autre œuvre de Kathakali créée au Kérala, en 1994. Les thèmes des épopées grecques se prêtent au Kathakali parce qu’ils partagent des valeurs similaires avec les épopées de l’Inde : même éthique de la guerre, même sens de la vie, de l’amour ou de l’amitié, entre autres. On peut donc affirmer que la fonction principale du Kathakali est de donner une figuration de l’épopée avec la transmission d’un héritage de culture fondé sur le mythe religieux. Pour la critique asiatique, L’Iliade en Kathakali c’est la colonisation des épopées grecques par le Kathakali. (The Inkpot Reviews)
Reproduction graphique de l’affiche annonçant un événement de sensibilisation du public montréalais à la pratique de la danse à la compagnie Danse Kalashas. (Diagramme1991).
Danse Kalashas, Montréal
Danse Kalashas fut la première compagnie à figurer à l’Agora de la danse dès l’ouverture, à l’automne 1991, de cette salle du département de danse de l’université du Québec, rue Cherrier. L’événement d’une semaine mettait à l’affiche une soirée de danse actuelle (contemporaine), Of Mice and Other Similar Devices (1990), l’œuvre fondatrice de la compagnie créée pour Tangente l’année précédente. La présentation était suivie d’un programme de kathakali et, en supplément de weekend, d’un programme spécial pour artiste invité. On pouvait assister en après-midi à une conférence et démonstration de danse et de musique kathakali. L’ensemble de ces spectacles et activités, supervisé par l’organisme montréalais de gestion culturelle Diagramme, s’est attaché à mettre l’accent sur les liens culturels et artistiques de la création à travers l’œuvre hybride de Richard Tremblay. Cette série d’activités connexes mais indépendantes plaçait la compagnie devant un défi, celui d’attirer un public à une compagnie naissante dans une toute nouvelle salle. Danse Kalashas et Richard Tremblay sont revenus à l’Agora en 1995 dans le cadre de la série Volet Chorégraphes de Danse Cité où la compagnie a présenté La Courbe en Flocon de Neige sur une musique composée et interprétée en direct par Bruno Paquet — un programme d’une semaine partagé avec le chorégraphe et directeur artistique Daniel Soulières à Volet Chorégraphes XII.
Danse Kalashas prépare une semaine d’activités spéciales pour l’automne à l’Agora de la danse, qui permettra au spectateur de se familiariser avec le Kathakali et le Kathak, deux formes traditionnelles, et d’assister à des spectacles de contemporain.
(Le Devoir, 1991)
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Photo : Collection Geneviève Pepin
Les inteprètes à la reprise de 1992 au Centre Saidye Bronfman (Centre des arts et de la scène), Montréal. Premier plan : Bruno Paquet (percussion) avec les interprètes Geneviève Pepin, Sophie Desjardins et Kiril Chour. Deuxième plan : Richard Tremblay (chorégraphe) et Francine Gagné (Interprète).
Invité de Richard Tremblay à l’automne 1981, K. Gopalakrishnan participe à plusieurs conférences et démonstrations, notamment à la série montréalaise Art du Mouvement des Midis de la Place des Arts animée par Henri Barras. Pendant les quatre mois de son séjour à Montréal avec l’Institut de Kathakali, aujourd’hui Kathakali Opus IX, il donne plusieurs ateliers et participe à une tournée canadienne au cours de laquelle on peut le voir, en duo avec Richard Tremblay, dans les programmes suivants tirés du répertoire de kathakali : Santana Gopala, Kalyana Saugandhigham, Duryodhanawattam et Gitopadesham. K. Gopalakrishnan a aussi participé à la création de l’Iliade (1988) où il a tenu le rôle d’Achilles. En novembre 2002, et lors de son passage à Mexico, K. Gopalakrishnan revient à Montréal pour une courte apparition en solo et pour un atelier avec un groupe de théâtre local.
Reprise au WTC Auditorium de Singapour, en octobre 2000, L’Iliade fut l’occasion de la première collaboration du chorégraphe Richard Tremblay avec le scénographe Jean-Guy Lecat. Cette collaboration est venue de projets antérieurs, principalement celui d’une chorégraphie, en 1998, dans le cadre d’une exposition aux Galeries du Grand Palais en co-production avec plusieurs partenaires à Paris et la Fondation Vivier. Ce projet n’avait pas pu voir le jour par manque d’intérêt et de support de la part des subventionneurs au Québec et au Canada. La co-présentation par Danse Kalashas et l’Usine C de Prayer for a Rope, a Pope, and a Rogue, en février 2003, représente un autre temps de la collaboration des deux créateurs.
En avril 2002, les Espaces Galilée invitaient Pallavi Krishnan, danseuse de Thrissur (Inde), à présenter son programme de Mohiniyattam à Montréal. Le Mohiniyattam est originaire du Kérala, en Inde, et est apparenté au Kathakali. L’ensemble comportait, outre madame Krishnan, deux percussionnistes au maddalam, au chenda et à l’edakka, un flûtiste ainsi qu’un artiste vocal. Le spectacle fut présenté dans un cadre modeste, la salle Saint Sulpice de la Bibliothèque Nationale du Québec – si modeste soit-elle, cette salle n’en reste pas moins un lieu qui a marqué l’évolution du milieu artistique montréalais puisque les Enfant du Paradis (aujourd’hui Carbone 14) y ont présenté leurs premières productions, à la fin des années 70, et que plusieurs célébrités internationales y sont passées. Enfin, Danse Kalashas y a présenté Of Mice and Other Similar Devices en 1990, en collaboration avec Tangente qui présentait ses séries de danse dans cette salle. Kathakali Opus IX y présentait, en 1994, une reprise de Origines, création de Richard Tremblay et Bruno Paquet. Le spectacle de Pallavi Krishan de même que les concerts de musique indienne présentés à la salle Saint Sulpice continuent à enrichir ce lieu qui a son cachet particulier.